Fantasy & Fantastique

17 septembre 2006

ARCANES FANTASY, juin 2004


Einär est un Dieu-rêveur. Il tisse le destin de tout-un-chacun dans le Grand Livre sacré, la Chronique Insulaire, où il imagine trois Mondes distincts : celui des Dieux, Nogard, celui des mages et des créatures sacrées, Modar'Lach, et celui des hommes, Nopalep'am Brode. Son objectif est d'opérer la Scission de ces Mondes afin de protéger Modar'Lach des aspects les plus noirs de Nopalep'am Brode. Mais tous ceux capables d'écrire dans la Chronique Insulaire ne sont pas forcément en accord avec Einär...

Plus qu'un simple cycle de (High) Fantasy, la Chronique Insulaire est un véritable récit mythologique. C'est en effet une histoire chargée de symboles, racontant l'origine du Monde, la création des dieux, celle des créatures qui peuplent ce Monde, et les faits qui font que cet Univers est tel qu'il est aujourd'hui.

Encore est-il que le terme "Univers" est un peu réducteur puisque Claire Panier-Alix nous parle plutôt d'un Multivers. Multivers physique dans un premier temps, puisque pas moins de trois Mondes parallèles (et même quatre dans Le Roi Repenti), et parfois transversaux, cohabitent dans l'imaginaire de l'auteur. Multivers mental dans un second temps, puisque bon nombre des héros de Claire Panier-Alix se retrouvent, volontairement ou non, dans des Mondes créés de toute pièce par leur imagination. C'est pourquoi, théoriquement, les possibilités de Mondes sont infinies.

Tout le récit est par ailleurs rempli de symboles. Le plus important d'entre eux est représenté par les dragons, omniprésents tout au long de la trilogie. L'auteur parle très bien de cette créature sur son site personnel : à la fois "Seigneur des Ténèbres" et "Gardien du Temps et de la Mémoire", c'est LA "créature sacrée entre toutes". Et c'est bien le personnage principal de la Chronique Insulaire.
Tout cela est narré de façon à ce que le lecteur ait une impression de véracité dans les faits qui lui sont contés. L'échiquier d'Einär, en particulier, avec ses phrases courtes (mais nombreuses) et ses transitions brutales, rappellent souvent les mythes et légendes issus de la tradition orale, amérindienne notamment. Les notes de bas de page ensuite, sous forme de gloses, visent à faciliter au lecteur la compréhension du texte et, surtout, donne un petit côté "recherche fondamentale" à une série de romans qui n'en demeure pas moins une oeuvre de Fantasy. Le ton, enfin, est d'une incroyable régularité dans l'onirisme et la nostalgie qu'il nous inspire.

La Chronique Insulaire n'est donc pas une oeuvre facile d'accès. L'imaginaire de l'auteur est complexe, son style riche, parfois ampoulé. En outre, à la multiplicité des Univers il faut ajouter le fait que toute l'histoire se déroule sur une échelle de temps colossale. Celle-ci n'est d'ailleurs pas toujours facile à cerner, en dépit des indications chronologiques au début de certains chapitres. Deux outils sont toutefois à la disposition de chacun pour bien comprendre toutes les subtilités de la Chronique Insulaire : la relecture pure et simple de certains passages, et le site personnel de l'auteur, qui fourmille d'informations sur son univers créatif.

Rappelons enfin que Claire Panier-Alix est jeune et qu'il s'agit de sa première oeuvre, en tout cas dans cette dimension. On sent d'ailleurs bien l'évolution du travail entre L'échiquier d'Einär et Le Roi Repenti, prouvant s'il est besoin que le nombre de pages n'est pas forcément un gage de clarté. Enfin, et ce n'est pas la moindre de ses qualités, la Chronique Insulaire a beau être inspirée (Charles Fort et Tolkien notamment), elle est aussi profondément originale. Pour une fois ce n'est pas antinomique.

Philémont

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